Le poisson-faucon à long nez de la Mer Rouge

Un poisson pas si facile que cela à photographier

Tous les plongeurs qui ont l'habitude de mouiller leurs palmes en Mer Rouge ont entendu parler du fameux poisson-faucon à long nez (nom scientifique : Oxycirrhites typus). C'est une des 35 espèces de poissons-faucons dont la plus connue est sans aucun doute le poisson-faucon de Forster (nom scientifique : Paracirrhites forsteri). De nombreux plongeurs avoueront l'avoir vu dans des livres mais combien vous diront l'avoir réellement aperçu dans l'eau ? Le poisson-faucon à long nez, c'est un peu la quête du graal en Mer Rouge. On le connait tous mais on le voit peu.

La principale difficulté est de trouver l'endroit où il vit. Il mesure une dizaine de centimètres et il évolue entre 10 et 70 mètres de profondeur. Mais on le rencontre le plus souvent au-delà de 30 mètres le long de pentes externes, là où poussent les gorgones et les coraux noir. En général, il se poste sur une branche et fait le guet en attendant une proie. En effet, il se nourrit de crustacés benthiques et planctoniques. Comme de nombreux plongeurs ne peuvent pas ou ne veulent pas descendre aussi bas, c'est déjà un premier frein pour son observation. De plus, il lui faut véritablement des conditions particulières car on ne trouve des gorgones ou des coraux noirs à chaque plongée. C'est pour toutes ces raisons que c'est un poisson que peu de plongeurs ont eu l'occasion d'apercevoir.

Lors d'un voyage en Mer Rouge, notre directeur de plongée nous signale sur le site de Sha'ab Maksour dans les Fury Shoals, une gorgone située à une profondeur de 30 mètres qui abriterait 4 poissons-faucons. C'est une excellente nouvelle car c'est ma deuxième semaine en Mer Rouge et je n'ai toujours pas réalisé de photo de ce poisson durant ce voyage. J'équipe mon appareil est un objectif de 105mm macro. Habituellement, je me fixe 2 à 3 buts par plongée. Cette fois, ce sera plus simple. Je me fixe un seul but ; ce sera un poisson-faucon sur la gorgone. Je passerai le temps qu'il faut mais je reviendrai avec la photo. Une fois le bateau amarré au récif, les 20 plongeurs présents se jettent à l'eau.

Nous nous retrouvons tous sur la gorgone à la quête du graal à une profondeur de 30 mètres. C'est une véritable machine à laver avec des bulles partout, des coups de palmes qui volent bas. Je me demande bien comment je vais faire pour réaliser mon cliché. Je décide de me mettre en recul en attendant que la meute assoiffée cherche une autre victime un peu plus loin. Au bout de 5 minutes, comme souvent, les plongeurs se lassent. Un à un ils désertent la gorgone. La plupart n'auront pas vu de poisson-faucon. Pour ceux-là, il restera un rêve ou une belle image dans un livre. Finalement, je me retrouve seul avec mon binôme. Nous nous approchons de l'immense gorgone qui se découpe en deux parties. Plus aucune trace du trésor ! Ces poissons-faucons ont du se cacher. Cela fait maintenant dix minutes que nous sommes là à attendre quand soudain, nous apercevons un poisson long de 5 centimètres. Nous sommes sauvés. Nous prenons 3 photos chacun quand nous en apercevons un autre. Cette fois encore, nous avons de la chance. Nous allons remonter avec les clichés convoités. Nous effectuons toute la plongée sur la gorgone. Nous avons chacun 20 belles photos. Nous remontons avec un large sourire. Tout au long de la remontée, nous apercevons l'essaim de plongeurs qui butinent sur d'autres coins du récif. Nous espérons qu'ils photographieront d'autres trésors. Nous ne sommes pas envieux. Nous avons fait ce que nous voulions.

Cette plongée me confirme un grand principe pour réaliser de bonnes photos. Il faut toujours se donner 2 ou 3 buts pour une plongée et ne pas changer ses objectifs. En anglais, nous utilisons une expression qui dit « Stay focus » qui résume bien ce principe.

Le poisson-faucon à long nez de la Mer Rouge.

La vie sur le sable du fond de la mer Rouge

Récifs des Fury Shoal en Mer Rouge en Egypte

Les conditions météorologiques nous ont obligés à quitter précipitamment les récifs de Saint John. L'avarie sur l'une des deux hélices du bateau a forcé le capitaine à remonter vers le nord en direction du port de Marsa Alam. Le directeur de plongée nous propose de réaliser quelques plongées sur les sites des Fury Shoal (que l'on peut traduite en français par « les récifs en furie » à cause des violentes tempêtes qui se fracassent sur les récifs). La tempête sévit toujours et la mer est toujours aussi houleuse. Nous devons nous abriter près de la côte. Toutes nos plongées se dérouleront dorénavant sur de petits fonds sableux dans quelques mètres d'eau.

Habituellement, nous sommes passionnés par les photos d'ambiance composées avec des coraux colorés au un premier plan et des couleurs bleues très denses dans l'arrière plan. Aujourd'hui, nous troquons nos objectifs grands angles et nos dômes pour des objectifs macros. La décision est prise : à partir de maintenant, nous photographierons des comportements de poissons.

La première plongée se déroule sur un récif qui a été dévasté par une tempête. Les récifs sont brisés. De grandes tables d'acropora sont posées sur le sol : tout le corail est mort depuis bien longtemps. Nous cherchons désespérément des nudibranches ou des poissons vivants dans les anfractuosités. Après 30 minutes de vaines recherches, nous apercevons une gobie de Steinitz qui est l'affût à l'entrée de son terrier. Sur sa droite, une petite crevette pistolet aveugle (Alpheus djeddensis) est en train de nettoyer son trou dans un interminable manège. Nous nous approchons doucement avec des coups de palmes très lents pour ne pas effrayer la gobie. Arrivés à 50 centimètres, plus question d'avancer. Nous entrons dans la zone de sécurité du poisson. Si nous avançons encore, elle va rentrer dans son trou et il faudra attendre un moment avant qu'elle ne se décide à ressortir.

Après quelques minutes, nous décidons de continuer notre exploration de la bande sableuse. Habituellement, c'est un univers que nous n'aimons car il y a peu de couleurs et nous ne sommes pas attirés par les rendus de la lumière sur le sable. Mais aujourd'hui, il se passe quelque chose de spécial. Nous sommes attirés par toute la vie qui grouille autour de nous. C'est un véritable aquarium et la nous sommes surpris par le nombre d'espèces que nous identifions.

C'est vrai que nous n'avons pas le choix mais en nous concentrant, nous découvrons un univers que nous avons toujours négligé. Nous photographions une raie pastenague à demi enfouie et un minuscule bernard l'ermite. Soudain, l'une de nos ordinateurs de plongée émet un signal sonore nous indiquant la fin de la plongée (nous sommes limités à 1 heure). Incroyable! Nous avons passé 30 minutes à se promener sur le sable et nous n'avons pas vu le temps passer.

A notre retour sur le bateau, nous en discutons de longues minutes. Nous ne nous sommes pas ennuyés un instant et nous avons pris un plaisir fou à utiliser nos objectifs macros. Nous n'en revenons pas.

Nous décidons de rester avec cette configuration photo pour tout le reste de la croisière. Notre objectif est de saisir la vie des habitants du sable. Nous ne serons pas déçus de notre choix car nous réaliserons de nombreux clichés de qualité.

Le plus drôle est que nous avons toujours du sable à disposition dans nos plongées et que nous l'avons souvent négligé pour privilégier les photos d'ambiance sur les grands tombants ou sur les épaves.

Comme toujours, nous allons toujours chercher dans le jardin du voisin ce que nous avons dans le notre.